Dans le cadre de la 9e édition de la Semaine des lycées français du monde, sur le thème « Cultiver la créativité : la pensée critique à l’ère de l’IA », le Lycée Français de Tachkent a vibré au rythme d’une expérience pédagogique aussi originale qu’enrichissante. Les élèves de Seconde se sont glissés dans la peau des « cerveaux » d’une intelligence artificielle pour une mission de haute précision : l’épreuve du prompt.

Le Défi : Décrypter le génie pour le faire renaître

L’objectif était simple dans son énoncé, mais délicat dans son exécution : choisir un tableau de maître – La Nuit Étoilée de Van Gogh, La Jeune Fille à la Perle de Vermeer, Le Fils de l’homme de Magritte, ou d’autres chefs-d’œuvre – et le décrire avec une objectivité et une précision chirurgicale. Interdiction formelle de citer le titre ou l’artiste ! Il s’agissait de nourrir l’IA uniquement avec des mots, des observations pures, pour voir si elle pourrait, à partir de ce « rêve guidé », recréer l’image originale.

Armés de leur grille d’analyse, les élèves se sont mis au travail. Ils ont dû décomposer la magie de l’art en données brutes :

  • « Sujet principal : Un homme en complet noir et chapeau melon, dont le visage est entièrement caché par une pomme verte flottante. »
  • « Composition : Un ciel tourbillonnant, une nuit bleue et or, où les étoiles et la lune semblent des vortex d’énergie. »
  • « Ambiance : Mystérieuse et onirique, une jeune femme au turban bleu et à la perle nacrée vous regarde intensément. »

Chaque détail comptait. La position d’un regard, la nuance d’un bleu, la texture d’un coup de pinceau… Les salles de classe sont devenues des laboratoires de langage, où il fallait trouver les mots justes pour traduire le visuel en instructions.

La Révélation : Le pouvoir et les limites des mots

Puis est venu le moment de vérité. Les prompts, soigneusement rédigés par les groupes, ont été soumis à un générateur d’images par IA. Les résultats, que vous pourrez découvrir en comparant les œuvres originales et les créations de l’IA ci-dessous, ont été fascinants.

Les élèves ont observé une corrélation directe : plus le « prompt » était détaillé et précis, plus l’image générée se rapprochait de l’œuvre d’origine. Une description vague donnait une interprétation floue et générique. Mais lorsqu’ils précisaient la « lueur dans les yeux », la « texture épaisse de la peinture » ou le « drapé rouge à l’arrière-plan », l’IA semblait soudain « comprendre » et se rapprocher de l’intention du peintre.

C’était la preuve tangible de l’importance de la pensée critique et du langage descriptif. L’IA, en soi, ne crée pas ; elle recompose et imite à partir d’une base de données colossale. Sans la guidance experte d’un œil humain capable d’analyser et de décortiquer, elle reste un outil aveugle.

La Conclusion : L’IA, un pinceau, pas un artiste

À l’issue de l’expérience, un débat s’est engagé. La conclusion fut unanime et sans appel : l’IA est un outil formidable, mais elle ne peut en aucun cas remplacer l’artiste.

Les élèves ont compris que derrière chaque tableau, il y a l’émotion, l’intention, l’histoire personnelle et le coup de génie d’un être humain. L’IA peut reproduire un style, mais elle ne peut pas insuffler l’âme qui a conduit Van Gogh à peindre son ciel tourmenté, ou Vermeer à capturer ce regard si particulier. Elle ne peut pas vivre la frénésie créative de Chagall ou l’humour surréaliste de Magritte.

Cette « Épreuve du Prompt » a bien plus enseigné que le simple fonctionnement d’une intelligence artificielle. Elle a cultivé le regard critique des élèves, leur capacité à observer finement et à articuler leur pensée. Elle leur a montré que face à la technologie, l’intelligence humaine – avec sa sensibilité, sa culture et son esprit d’analyse – reste plus que jamais indispensable.

Cette expérience fut une brillante illustration du thème de cette semaine : cultiver la créativité et l’esprit critique pour savoir utiliser les outils de demain, sans jamais se laisser remplacer par eux.

Rédigé pour le Lycée Français de Tachkent, dans le cadre de la Semaine des Lycées Français du Monde, organisée par l’AEFE.